Comme des pèlerines et des étrangères : la Solennité de Sainte Claire
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- il y a 3 jours
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Chers frères et sœurs,
La scène finale du film Les Onze Fioretti de François d’Assise, de Roberto Rossellini, montre François et ses frères qui partent, deux par deux, pour annoncer l’Évangile au monde. Ils s’éloignent lentement, sans grands discours, portés par une foi nue, presque fragile. Et l’on ne peut s’empêcher de se poser la question : que va-t-il leur arriver ensuite ?Un grand succès ? Peut-être.Une disparition graduelle par dispersion ? C’est possible.Ou, plus subtilement, une lente désillusion d’un désir trop ardent, confronté aux réalités du monde ?
Nous connaissons la suite de l’histoire franciscaine, car nous en sommes les héritiers. Et c’est précisément là que la figure de sainte Claire prend toute son importance et toute son actualité.

Lorsque l’on visite San Damiano, le monastère où Claire a vécu pendant quarante et une années, un lieu en particulier retient notre attention : l’endroit de sa mort. Une simple croix de bois en marque discrètement le lieu. Le sol est en terre cuite. Pas de marbre ni d’or. Juste la rudesse chaude du carrelage ancien. Le murmure de la simplicité franciscaine. Je me souviens de ma première visite, il y a quelques années. Nous étions un grand groupe de frères venus du monde entier. En entrant dans la pièce, un silence inattendu nous a saisis. Personne ne l’avait imposé. Et pourtant, presque instinctivement, chacun s’est assis sur le sol en terre cuite. Ce silence partagé, profond, presque sacré, demeure pour moi l’un des moments les plus marquants de ce pèlerinage. Dans cette atmosphère sobre, dépouillée mais intensément habitée, on avait l’impression que Claire veillait encore; discrète, présente, et toujours fidèle.
Claire a profondément saisi le sens du dépouillement que François voulait vivre. Elle ne s’est pas contentée d’imiter ses gestes : elle en a compris l’inspiration intérieure. Cette fidélité transparaît dans sa propre règle, où elle reprend l’expression de François « comme des pèlerines et des étrangères » qu’elle applique à la vie cloîtrée de ses sœurs.

Là où les frères partaient, itinérants, de village en village, les sœurs « demeuraient » : physiquement et symboliquement. Leur enracinement - la stabilité - n’était pas un repli, mais une manière d’habiter le monde autrement, dans une présence intérieure, priante et offerte.
François, lui, s’est toujours appuyé sur le discernement spirituel de Claire et de ses sœurs pour les décisions importantes. Il savait que, dans le silence du cloître, l’Esprit parlait avec clarté. Les récits ne manquent pas : en des moments de crise ou de doute, François cherchait conseil auprès de Claire, convaincu qu’elle entendrait juste. La fraternité masculine avançait, mais Claire en gardait l’axe invisible.
Elle se disait la « petite plante » de François, mais elle fut bien plus qu’une simple disciple. À une époque où plusieurs frères commençaient à assouplir les exigences de l’idéal évangélique, Claire est restée inébranlable. Elle a gardé vivant le souffle franciscain, sans compromis ni détours. Lorsque frère Léon écrivait sur la vie de François - ses paroles, ses gestes, son esprit - il ne confiait pas ses écrits aux frères, mais à Claire. Il savait qu’en elle, ces pages trouveraient un refuge sûr.
Aujourd’hui, nous rendons grâce à Dieu pour la vie de sainte Claire, notre mère et notre sœur. Et nous nous unissons à sa prière ultime, celle qu’elle a adressée à Dieu au moment de sa mort : « Sois béni, Seigneur, de m’avoir créée ! »
Frère Benny Vincent, Capucin
Ministre provincial, Frères mineurs capucins / Québec, Canada
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