Par Frère Michal Gagné, capucin
Il y deux ans, au mois d’avril 2016, j’ai été plongé dans une situation dont je n’aurais jamais soupçonné la profondeur humaine et spirituelle, je parle ici de mes visites régulières de l’un de mes amis qui actuellement est incarcéré dans un Centre de détention.
Pour vous dire très franchement, pour avoir entendu souvent cette parole de Jésus qui nous invite à visiter les prisonniers, je n’avais peut-être pas vraiment bien compris et bien saisi cette démarche exigeante que celle d’aller visiter un prisonnier, pour tout dire, je n’ai aucune expérience d’accompagnement pastoral dans ce domaine, et très peu de connaissance du milieu carcéral et de notre système judiciaire. En fait, c’est par mon ami incarcéré, que je suis en train de découvrir tout un monde complexe et mystérieux, qui m’était presque inconnu. Ce que je peux dire en toute discrétion, sans révéler quoique ce soit, la prison c’est un bassin de grandes et de profondes souffrances.
Il y a bien des raisons pour lesquelles on met des personnes en prison, je ne vais pas vous dresser la liste des délits, vous les connaissez autant que moi. Ce que je découvre et réalise à travers les rencontres et conversations que j’ai avec mon ami, c’est que lui, et tous ceux qui l’entourent derrière les barreaux, ce sont d’abord des êtres humains. Avant de se retrouver enfermés dans des prisons, ils étaient eux-mêmes enfermés dans des cachots sombres, ceux qui se trouvent à l’intérieur du cœur, et de leur histoire personnelle.
Ce que j’y découvre, c’est qu’ils sont pour ainsi dire prisonniers de leurs passions, de leurs pulsions, de leurs peurs, de leurs échecs, de leurs attentes et leurs de amours déçus. Pour plusieurs, c’est le rejet, ou tout simplement, et cela depuis leur enfance, un sentiment d’abandon qu’ils ont développé. Je ne vous l’apprends pas, c’est bien mystérieux tout ce qui peut se développer dans le cœur et dans la tête d’un enfant !
Évidemment, et je dois le dire en toute vérité, tous ces prisonniers, les façons qu’ils ont utilisées pour s’en sortir et crier leurs souffrances et leurs détresses, ce n’était certainement pas les meilleurs moyens, surtout qu’actuellement dans nos sociétés, ils se trouvent plein de personnes aimantes autour d’eux, d’abord les membres de leurs familles, et ici c’est le cas pour celui que je visite. Il se trouve aussi des amis, des spécialistes, des organismes qui nous aident et nous accompagnent dans nos souffrances, nos maladies de toutes sortes, nos détresses, qu’elles soient physiques, psychologiques et même spirituelles.
Ceci dit, et on le comprendra aisément, je m’en voudrais de passer sous silence toutes les conséquences souvent désastreuses de leurs gestes, je parle ici des souffrances et des drames de ceux et celles qui ont été les victimes de leurs comportements, et en ce sens-là, l’ami que je visite en prison, en est « cruellement » conscient.
Un prisonnier, c’est l’isolement, c’est la perte de la liberté, c’est le silence et la solitude de la cellule, c’est le contact quotidien avec des personnes blessées comme lui, c’est le mystérieux mélange du remord, de la culpabilité, du regret, c’est le quand et le comment vais-je retrouver une liberté, mais c’est surtout un profond sentiment de rejet, comment mes parents, mes amis, vont-ils m’accueillir et vont-ils continuer à m’aimer ? Et tous ceux et celles que j’ai blessés ? Enfin, que puis-je attendre et espérer ?
C’est pour toutes ces raisons que je visite mon ami prisonnier. Comme le disait un auteur dont j’oublie le nom : « Un ami c’est quelqu’un que tu connais et que tu aimes quand-même. »
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