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La tendresse, obstinément !



L’expérience de Greccio (1C 84-87) avait été soigneusement planifiée. François savait ce qu’il en attendait, « observer en détail, autant que possible de mes yeux corporels » tout ce qu’a vécu Jésus lui-même la nuit du premier Noël.

Pour obtenir de participer ainsi à la naissance sur terre du Fils de Dieu, François commence par choisir les personnes avec qui il veut vivre cette expérience à la fois surnaturelle et réaliste : Jean, un ami très cher qui, touché par sa prédication de l’Évangile a osé renoncer aux privilèges dont la vie l’avait avantagé, les frères de tous les lieux à distance de marche et les petites gens des alentour de Greccio, chez qui l’attente du Seigneur est une espérance permanente. Puis il prépare les cœurs, plante un décor de lumière et scénarise la liturgie de manière qu’elle puisse embraser tous les participants.


François veut expérimenter et faire goûter l’envahissement de tendresse que l’on doit forcément ressentir quand on se donne les moyens de voir comment, par amour pour nous tous, le Très-Haut se fait Très-Bas et le Tout-puissant, tout vulnérable. Cette coulée de tendresse, Isaïe en peint une belle image proposée au bréviaire au début de l’Avent : la connaissance du Seigneur remplira le pays comme les eaux recouvrent le fond de la mer (11, 9).


François propose ce bonheur ressenti, comme une disposition permanente qui viendrait remplacer les sentiments de peur et les poussées agressives dont la cupidité, l’avarice et l’ambition démesurée d’un petit nombre empoisonnent la vie de toute la communauté humaine.

C’était une réalité de son temps, au 13e siècle. Et le nôtre n’en est pas épargné. Au contraire ! L’imminence des bouleversements climatiques engendrés par les mêmes excès nous prépare une période d’affrontements impitoyables. Tous les grands acteurs attendent que « les autres » se soumettent les premiers aux restrictions qui s’imposent afin d’occuper seuls la position dominante.


Dans la spiritualité franciscaine, l’événement de Greccio rejoint ceux de la prise de parole du Crucifié à Saint-Damien, du dépouillement devant l’évêque d’Assise, du baiser au lépreux, de la rencontre du Sultan, du choix de travailler humblement et d’être soumis à tous. Ces apprentissages déterminants ont établi le contexte nécessaire à la lecture et à la pratique de la Règle. Nous observons la Règle pour être capables de mettre en œuvre la compétence de base commune que nous a léguée François et que déclinent admirablement les épisodes marquants de sa vie.


« Vivre le saint Évangile de notre Seigneur Jésus Christ » aujourd’hui, c’est nous employer à partager avec nos contemporains une expérience de la tendresse de Dieu qui les libère du stress morbide dans lequel la compétition outrancière basée sur des dogmes économiques trompeurs veut les enfermer. Notre vocation est permanente ; Noël en est une joyeuse occasion !

Quel désastre si une étude actuarielle qui, au demeurant, ne peut jamais décrire que les franges de fatigue qui handicapent notre charisme allait nous inciter à planifier la fermeture de ce chantier ! Courage, continuons de proposer la tendresse, obstinément.


Frère A. B., capucin



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